Le Moniteur belge a publié ce 22 avril un arrêté royal n°12 du 21 avril concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d’Etat et la procédure écrite.
Ce texte détermine les aménagements de procédure devant le Conseil d’Etat suite aux mesures de lutte prises contre la propagation du virus COVID-19

Cet arrêté était attendu puisque, initialement, l’arrêté royal n°2 déterminant les règles de procédure devant les juridictions civiles, suite aux mêmes mesures de lutte contre la propagation du virus COVID-19, contenait un passage relatif à la procédure devant le Conseil d’Etat. Ce passage avait finalement été supprimé, suite aux remarques du Conseil d’Etat dans son avis préalable.
Les adaptations de procédure essentielles fixées dans cet arrêté du 21 avril sont les suivantes :
- Prorogation de trente jours des délais d’introduction arrivant à échéance pendant la période du 9 avril 2020 au 18 mai 2020 inclus (ce délai a été étendu par un arrêté royal du 4 mai 2020)
- Possibilité de traiter les demandes de suspension d’extrême urgence et les demandes provisoires d’extrême urgence sans audience publique (procédure écrite)
- Possibilité de traiter les autres demandes sans audience publique pendant une période limitée (procédure écrite)
Développons quelque peu ces mesures
- Prorogation des délais
Les délais d’introduction de procédure (15 jours pour les demandes en suspension, 60 jours pour les demandes en annulation pour les principaux) dont l’échéance arrive pendant la période du 9 avril 2020 au 18 mai 2020 inclus sont prorogés de plein droit de trente jours.
Par conséquent, si la date du 18 mai n’est pas modifiée ultérieurement, les actes devront donc être introduits au plus tard pour le 17 juin 2020.
Cette prorogation vaut tant pour les introductions de procédure (par exemple les requêtes en annulation ou en suspension) que pour les actes à déposer en cours de procédure et dont l’échéance venait durant la période indiquée (le dépôt des différents mémoires, les demande de poursuite de la procédure, …).
Cette prorogation vaut pour toutes les procédures devant le Conseil d’Etat, à l’exception des procédures d’extrême urgence pour lesquelles un traitement spécifique est prévu, cfr infra. Par conséquent, en matière de marchés publics, les demandes de suspension ne sont pas visées par cette prorogation puisqu’elles doivent être introduites par la voie d’une requête en suspension d’extrême urgence.
Si l’on peut comprendre que la date de fin, soit initialement le 3 mai, ensuite le 18 mai, ait été choisie, s’agissant, à l’heure de la rédaction des arrêté royaux, de la date prévue pour la fin du confinement, on peut par contre s’interroger sur la date de départ, soit le 9 avril, d’autant que ce choix n’est nullement expliqué dans le Rapport au Roi, alors même que le projet initial mentionnait la date du 18 mars 2020, soit la date d’entrée en confinement fixé par l’arrêté ministériel du 17 mars 2020.
Il s’en déduit que pour les délais venant à échéance entre le 18 mars 2020 et le 8 avril 2020, la seule possibilité de justification du non-respect de l’échéance sera la force majeure, dont l’interprétation restrictive habituelle du Conseil d’Etat ne permet sans doute pas de se suffire des règles de confinement édictées.
Même si il est vraisemblable que cette date de début ait été fixée par analogie à l’arrêté royal n°2 relatif aux procédures devant les Cours et tribunaux, on peut néanmoins s’interroger sur la différence de traitement réservée aux délais venant à échéance entre le 18 mars et le 8 avril par rapport aux délais venant à échéance entre le 9 avril et le 18 mai, instaurant là une potentielle discrimination.
A noter par ailleurs la différence entre le texte relatif au Conseil d’Etat, qui prévoit une prorogation de trente jours, et le texte relatif à la procédure devant les Cours et Tribunaux qui prévoit un délai d’un mois.
On peut également relever que cette prorogation des délais a été adoptée « sans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes ». Aucune précision n’est apportée par le Rapport au Roi sur la portée de ce préambule. Il ne peut être exclu qu’il vise les arrêtés de pouvoirs spéciaux 2 et 3 du Gouvernement wallon qui avaient notamment pour conséquence de suspendre le délai de recours auprès de la section du contentieux administratif contre les décisions adoptées par les autorités wallonnes.
- Les procédures d’extrême urgence
L’article 2 de l’arrêté royal prévoit la possibilité de traiter les demandes de suspension d’extrême urgence, ainsi que les demandes de mesures provisoires d’extrême urgence sans qu’il soit fait recours à une audience publique. C’est donc le recours à la procédure écrite.
Il s’agit d’une faculté, comme le révèle le terme « peut ».
En pratique, cela signifie que pour les procédures présentant un réel degré d’urgence, il sera fait usage de la procédure écrite.
Comme rappelé, les requêtes en suspension en matière de marchés publics doivent obligatoirement être introduites sous la forme d’une requête en suspension d’extrême urgence. Or, à l’estime du Conseil d’Etat, ces requêtes ne présentent pas nécessairement un réel degré d’extrême urgence. Ces requêtes, à l’heure actuelle, restent en suspens et feront l’objet d’une fixation ultérieure. Elles ne font pas, de manière automatique, l’objet de la procédure écrite.
La faculté pour le Président de « convoquer les parties, éventuellement à son hôtel, à l’heure indiquée par lui, même les jours de fête et de jour en jour ou d’heure à l’heure » est laissée également, par le biais de la référence à l’article 16, §2, alinéa 3 de l’A.R. du 5 décembre 1991 qui la contient.
Ce système est prévu jusqu’au 2 juin 2020 à l’heure actuelle. Néanmoins, un éventuel prolongement ultérieur n’est pas à exclure.
- La procédure écrite dans les demandes autres que « d’extrême urgence »
L’article 3 de l’arrêté royal prévoit la possibilité de recourir à la procédure écrite dans les demandes autres que celles d’extrême urgence.
Cette faculté ne sera envisageable que si toutes les parties en font la demande ou marquent leur accord quant à son utilisation.
Ce recours à la procédure écrite est permis jusque 60 jours après l’expiration de la période visée par l’arrêté royal, soit le 2 juillet 2020 à l’heure actuelle.
- Communications électroniques
Les articles 4 et 5 de l’arrêté royal traitent de l’usage de la voie électronique, tant pour l’envoi des actes de procédure que pour les notifications ou communications du Conseil d’Etat.
Ce recours à la voie électronique, notamment via la plate-forme du Conseil d’Etat, était déjà largement encouragé précédemment.
Gaël TILMAN